Kitesurf : moins risqué qu'on ne le croit ???
Posté : dim. 8 mai 2016 19:35
Salut,
Pour beaucoup de débutants et pas mal de confirmés, et pour la majorité de l'ensemble des non-pratiquants, le kite, ça fait peur. Parce que « le kite, c'est dangereux ».
Cette peur a priori, cette affirmation posée comme une évidence, c'est ce que vous avez tous constaté, dans votre propre pratique, dans les discussions avec des amis, la famille, dans les journaux ou sur le Net.
Le truc, c'est : c'est dangereux comment exactement ? ou plutôt combien ?
On le sait depuis un paquet d'études neurologiques, le cerveau ne sait pas bien gérer les statistiques : il est floué par les émotions, par la plus ou moins grande « disponibilité » d'une info en mémoire(*). Et plus un sujet apparaît souvent dans la vie, via les journaux, les discussions, les images, plus il est rapidement « disponible », ce qui fait augmenter très fortement sa probabilité « ressentie ».
Ce qui rend les sujets disponibles, c'est entre autres leur caractère spectaculaire et effrayant. C'est un truc qui maximise terriblement la probabilité « ressentie » de risque. On a le cas avec les attaques de requin, ou le terrorisme aveugle type Bataclan.
Et on l'a aussi avec le kite... Pourquoi ? À partir de là, ça n'est que mon avis, dont j'espère, c'est pour ça que je poste, qu'il sera sujet à échanges.
À la base de tout, il y a le côté incontrôlable du kite, car il est basé sur le vent, qui est un élément invisible (ça, ça fait peur) et variable à l'envi, parfois sans signes avant-coureurs (ça aussi ça fait peur). Et par rapport aux autres sports utilisant le vent, il y a une différence majeure : on est attaché très fermement (aïe) par des longues ficelles (ficelles + mer = lumière rouge qui s'allume) à un truc qui est très loin (ouille). On ne peut pas aussi directement qu'en windsurf tout arrêter s'il y a problème.
L'autre truc qui affole le cerveau, c'est cette possibilité (et les multiples images bien connues qui vont avec : Malik Bouchenafa en snowkite, ou le célèbre envol derrière le mec au chapeau) de pouvoir potentiellement s'envoler (sans l'avoir voulu, le côté main de Dieu) et se faire fracasser (sans possibilité -- ou presque -- de contrôle) dans un obstacle quelconque ou sur une bonne vieille dalle de béton au sol.
Du coup, un accident de kite, c'est vendeur pour un média, ça parle à tout le monde, ça convoque des peurs aussi vieilles que l'espèce humaine : la perte de contrôle, la peur du vide.
Ce qui m'intéresse ici, c'est une tentative d'objectivation du risque, en tentant autant que faire se peut de gommer tout le caractère émotionnel.
Ou, pour quantifier la chose : combien de blessés en moyenne sur 1000 pratiquants par année ? Combien de morts ?
Et si on compare à la moto sur route ? Ou à la voiture ?
Ou au VTT ?
Un truc qui m'a fait réfléchir à ça, c'est la constatation suivante, faites plusieurs fois : 200 kiters au Maroc sur un spot pendant une semaine et pas de blessures en dehors d'une cheville foulée ou d'une épaule luxée. 200 VTTistes en station de ski un week-end et au moins 2 fois l'hélico pour évacuation en urgence...
Pourtant, quand je prends mon VTT, ou ma voiture, je n'ai pas la « sentation » de prendre autant de risque qu'en kite... En fait, quand je prends ma caisse, je ne pense même pas au risque...
Ma thèse est donc : la sensation de risque liée au kite est très fortement surévaluée par les biais cognitifs évoqués plus haut.
Malheureusement, il est très très difficile d'obtenir des chiffres sûrs et consolidés en ce qui concerne le taux de blessures, de mort, d'un sport ou d'une activité. Le tout premier problème est que beaucoup d'incidents (la plupart sans doute...) ne sont pas déclarés et donc pas comptabilisés. L'autre est qu'on ne connaît pas bien le nombre de pratiquants pour pouvoir donner un pourcentage et ainsi comparer les activités...
On trouve néanmoins ça et là quelques éléments, souvent au sérieux discutable :
- http://www.ilosport.fr/articles/top-10- ... a-risques/ -> top 10 des sports à risque, chiffres absents ou non consolidés, mais pas de kite
- http://www.topito.com/top-10-des-sports ... x-au-monde -> un autre top 10 à la con, mais même constat, pas de kite
- Ici, plus intéressant, on pointe le fait, évident mais c'est mieux en le disant, que le côté « extrême » et donc risqué d'un sport est pas mal lié à la pratique que chacun en a...
Mais le plus adapté à notre discussion c'est évidement le bilan accidentologie kite de la FFVL qui a pour seul -- mais non négligeable -- inconvénient de dater de 2011...
On y trouve un élément quantitatif intéressant (chiffres portant sur les seuls licenciés) : « 1 déclaration d'accident pour 303 pratiquants, 1 accident grave pour 5152 pratiquants et 1 décès pour 25764 pratiquants en 2011 », ce qui donne, en pourcentage par rapport au nombre de pratiquants licenciés : 0,33% de déclarations d'accidents, 0,02% d'accidents graves et 0,004 % de décès.
Donc au final, une probabilité de décès de 1 pour 25 000 (oui, c'est en 2011, ET en ne prenant en compte que les accidents déclarés ET uniquement pour les licenciés... Mais ça n'en est pas moins, à défaut de mieux, une bonne première base de discussion.)
Est-ce le chiffre que vous auriez donné spontanément selon votre ressenti personnel ???
On trouve aussi dans cette étude très sérieuse, page 20, un tableau qui recense les mêmes données pour d'autres sports, soit l'accidentologie recensée pour les licenciés de la fédé concernée. On y découvre par exemple que :
- la randonnée pédestre a le même taux d'accident mortel que le kite : 1 pour 25000 !!!
- le ski de randonnée est plus de 2 fois plus mortel, aïe : 1 pour 10000
- Encore un bon facteur 2 pour l'alpinisme : 1 pour 4000
- et un dernier facteur 4 pour la palme, le parapente : 1 pour 1100, qui serait donc, selon les données considérées ici, ~20 fois plus risqué que le kite...
C'est aussi à mettre en parallèle par exemple avec cette étude du National Safety Council américain (oui, il y a sans doute une certaine spécificité américaine des données, qui peut être un élément de pondération). On y lit que :
- La dixième cause de mort, une chance sur 623, est de se faire renverser en étant piéton.
- La septième cause de mort, une chance sur 184, est de faire une chute.
- La sixième cause de mort, une chance sur 139, est un empoisonnement accidentel.
- La quatrième cause de mort, une chance sur 85, est un accident de voiture en tant que conducteur.
- La troisième cause de mort, une chance sur 28, un infarctus.
- La deuxième cause de mort, une chance sur 7, un cancer.
- La première cause de mort, une chance sur 6, une maladie cardiaque.
Le kite s'intercalerait donc entre les 17e et 18e cause :
- La 18e cause de mort, une chance sur 51.199, est d'être victime d'une tempête.
- La 17e cause de mort, une chance sur 6.174, est la chaleur.
Dans tous les cas, donc, kiter serait bien moins risqué (au sens mortel du terme) que de traverser une route ou être accidentellement empoisonné...
À nouveau, votre ressenti vous aurait-il spontanément amené à cette conclusion ???
Bref (si j'ose dire...) : qu'en pensez-vous ? Quelqu'un a-t-il des éléments quantitatifs plus fins, plus complets ou plus actuels ? Ou simplement quelque chose à ajouter ? Ou une remise en cause éclairé des chiffres ici cités ou carrément de toute la démarche (au caractère, que j'assume pleinement, totalement amateur) ???
À vous lire,
G.
(*) Très bien exposé par exemple dans cet excellentissime bouquin.
Pour beaucoup de débutants et pas mal de confirmés, et pour la majorité de l'ensemble des non-pratiquants, le kite, ça fait peur. Parce que « le kite, c'est dangereux ».
Cette peur a priori, cette affirmation posée comme une évidence, c'est ce que vous avez tous constaté, dans votre propre pratique, dans les discussions avec des amis, la famille, dans les journaux ou sur le Net.
Le truc, c'est : c'est dangereux comment exactement ? ou plutôt combien ?
On le sait depuis un paquet d'études neurologiques, le cerveau ne sait pas bien gérer les statistiques : il est floué par les émotions, par la plus ou moins grande « disponibilité » d'une info en mémoire(*). Et plus un sujet apparaît souvent dans la vie, via les journaux, les discussions, les images, plus il est rapidement « disponible », ce qui fait augmenter très fortement sa probabilité « ressentie ».
Ce qui rend les sujets disponibles, c'est entre autres leur caractère spectaculaire et effrayant. C'est un truc qui maximise terriblement la probabilité « ressentie » de risque. On a le cas avec les attaques de requin, ou le terrorisme aveugle type Bataclan.
Et on l'a aussi avec le kite... Pourquoi ? À partir de là, ça n'est que mon avis, dont j'espère, c'est pour ça que je poste, qu'il sera sujet à échanges.
À la base de tout, il y a le côté incontrôlable du kite, car il est basé sur le vent, qui est un élément invisible (ça, ça fait peur) et variable à l'envi, parfois sans signes avant-coureurs (ça aussi ça fait peur). Et par rapport aux autres sports utilisant le vent, il y a une différence majeure : on est attaché très fermement (aïe) par des longues ficelles (ficelles + mer = lumière rouge qui s'allume) à un truc qui est très loin (ouille). On ne peut pas aussi directement qu'en windsurf tout arrêter s'il y a problème.
L'autre truc qui affole le cerveau, c'est cette possibilité (et les multiples images bien connues qui vont avec : Malik Bouchenafa en snowkite, ou le célèbre envol derrière le mec au chapeau) de pouvoir potentiellement s'envoler (sans l'avoir voulu, le côté main de Dieu) et se faire fracasser (sans possibilité -- ou presque -- de contrôle) dans un obstacle quelconque ou sur une bonne vieille dalle de béton au sol.
Du coup, un accident de kite, c'est vendeur pour un média, ça parle à tout le monde, ça convoque des peurs aussi vieilles que l'espèce humaine : la perte de contrôle, la peur du vide.
Ce qui m'intéresse ici, c'est une tentative d'objectivation du risque, en tentant autant que faire se peut de gommer tout le caractère émotionnel.
Ou, pour quantifier la chose : combien de blessés en moyenne sur 1000 pratiquants par année ? Combien de morts ?
Et si on compare à la moto sur route ? Ou à la voiture ?
Ou au VTT ?
Un truc qui m'a fait réfléchir à ça, c'est la constatation suivante, faites plusieurs fois : 200 kiters au Maroc sur un spot pendant une semaine et pas de blessures en dehors d'une cheville foulée ou d'une épaule luxée. 200 VTTistes en station de ski un week-end et au moins 2 fois l'hélico pour évacuation en urgence...
Pourtant, quand je prends mon VTT, ou ma voiture, je n'ai pas la « sentation » de prendre autant de risque qu'en kite... En fait, quand je prends ma caisse, je ne pense même pas au risque...
Ma thèse est donc : la sensation de risque liée au kite est très fortement surévaluée par les biais cognitifs évoqués plus haut.
Malheureusement, il est très très difficile d'obtenir des chiffres sûrs et consolidés en ce qui concerne le taux de blessures, de mort, d'un sport ou d'une activité. Le tout premier problème est que beaucoup d'incidents (la plupart sans doute...) ne sont pas déclarés et donc pas comptabilisés. L'autre est qu'on ne connaît pas bien le nombre de pratiquants pour pouvoir donner un pourcentage et ainsi comparer les activités...
On trouve néanmoins ça et là quelques éléments, souvent au sérieux discutable :
- http://www.ilosport.fr/articles/top-10- ... a-risques/ -> top 10 des sports à risque, chiffres absents ou non consolidés, mais pas de kite
- http://www.topito.com/top-10-des-sports ... x-au-monde -> un autre top 10 à la con, mais même constat, pas de kite
- Ici, plus intéressant, on pointe le fait, évident mais c'est mieux en le disant, que le côté « extrême » et donc risqué d'un sport est pas mal lié à la pratique que chacun en a...
Mais le plus adapté à notre discussion c'est évidement le bilan accidentologie kite de la FFVL qui a pour seul -- mais non négligeable -- inconvénient de dater de 2011...
On y trouve un élément quantitatif intéressant (chiffres portant sur les seuls licenciés) : « 1 déclaration d'accident pour 303 pratiquants, 1 accident grave pour 5152 pratiquants et 1 décès pour 25764 pratiquants en 2011 », ce qui donne, en pourcentage par rapport au nombre de pratiquants licenciés : 0,33% de déclarations d'accidents, 0,02% d'accidents graves et 0,004 % de décès.
Donc au final, une probabilité de décès de 1 pour 25 000 (oui, c'est en 2011, ET en ne prenant en compte que les accidents déclarés ET uniquement pour les licenciés... Mais ça n'en est pas moins, à défaut de mieux, une bonne première base de discussion.)
Est-ce le chiffre que vous auriez donné spontanément selon votre ressenti personnel ???
On trouve aussi dans cette étude très sérieuse, page 20, un tableau qui recense les mêmes données pour d'autres sports, soit l'accidentologie recensée pour les licenciés de la fédé concernée. On y découvre par exemple que :
- la randonnée pédestre a le même taux d'accident mortel que le kite : 1 pour 25000 !!!
- le ski de randonnée est plus de 2 fois plus mortel, aïe : 1 pour 10000
- Encore un bon facteur 2 pour l'alpinisme : 1 pour 4000
- et un dernier facteur 4 pour la palme, le parapente : 1 pour 1100, qui serait donc, selon les données considérées ici, ~20 fois plus risqué que le kite...
C'est aussi à mettre en parallèle par exemple avec cette étude du National Safety Council américain (oui, il y a sans doute une certaine spécificité américaine des données, qui peut être un élément de pondération). On y lit que :
- La dixième cause de mort, une chance sur 623, est de se faire renverser en étant piéton.
- La septième cause de mort, une chance sur 184, est de faire une chute.
- La sixième cause de mort, une chance sur 139, est un empoisonnement accidentel.
- La quatrième cause de mort, une chance sur 85, est un accident de voiture en tant que conducteur.
- La troisième cause de mort, une chance sur 28, un infarctus.
- La deuxième cause de mort, une chance sur 7, un cancer.
- La première cause de mort, une chance sur 6, une maladie cardiaque.
Le kite s'intercalerait donc entre les 17e et 18e cause :
- La 18e cause de mort, une chance sur 51.199, est d'être victime d'une tempête.
- La 17e cause de mort, une chance sur 6.174, est la chaleur.
Dans tous les cas, donc, kiter serait bien moins risqué (au sens mortel du terme) que de traverser une route ou être accidentellement empoisonné...
À nouveau, votre ressenti vous aurait-il spontanément amené à cette conclusion ???
Bref (si j'ose dire...) : qu'en pensez-vous ? Quelqu'un a-t-il des éléments quantitatifs plus fins, plus complets ou plus actuels ? Ou simplement quelque chose à ajouter ? Ou une remise en cause éclairé des chiffres ici cités ou carrément de toute la démarche (au caractère, que j'assume pleinement, totalement amateur) ???
À vous lire,
G.
(*) Très bien exposé par exemple dans cet excellentissime bouquin.