Salut,
Bon, vos réactions sont intéressantes, bien que relativement peu nombreuses sur un sujet qui pourtant revient souvent dans la planète kite, aussi bien dans les média que dans les discussions avec les potes...
Quelques éléments de réponse/commentaires :
- OUI, le risque dépend bien entendu du style de pratique (megaloop à 15m de haut par 35 noeuds eau froide vagues devant une digue vs cruising pépère loin au vent d'une grande plage sans obstacle avec de l'eau chaude profondeur constante 1,5m, le tout avec une faible densité de kiters à l'hectare). Je le pointais d'ailleurs, certes un peu mollement, dans mon message initial.
Mais ça n'est pas de ce type de risque-ci dont je parle ici.
Le risque dont il est question, celui qui est dans l'inconscient collectif, celui qui fait peur, ça n'est pas celui qu'on prend consciemment (car celui-ci est toujours évitable). C'est le risque « résiduel », c'est-à-dire celui qui reste quand on a pris toutes les précautions de bon sens, celui donc qu'on ne maîtrise pas, l'impondérable : quand on saute une digue par exemple, on n'est pas dans le risque résiduel... Quand on double à moto à 150 sans visibilité non plus. Par contre quand une ligne se casse et qu'on part en kiteloop vers la digue, on s'en approche déjà plus. Ou quand on rechope sa barre après une chute et qu'il y a un tour du B/C autour qui fait qu'on ne peut plus choquer (voire plus larguer selon le type de largueur). Ou quand une ligne s'entoure autour du harnais ou d'une jambe. Ou quand le vent prend 20 noeuds en 5 secondes. Ou quand on se fait lifter par une rafale scélérate. Ou bien, pour reprendre la moto, quand un tracteur déboule de derrière un mur sur une route dégagée. Bref, les évènements aléatoires liés à l'environnement, contre lesquels on ne peut rien, quel que soit son degré de connaissance ou de prudence. C'est sur ce risque-ci que s'indexe la peur, ce qui peut arriver sans qu'on n'y puisse rien...
La question que je posais donc dans mon premier message peut être formulée, de façon plus précise, comme suit :
Dans une pratique « en bon père de famille », sans ajouter à la prise de risque inhérente à la pratique, est-on dans un sport intrinsèquement dangereux, avec un très fort risque résiduel, comme les media le présentent souvent, et du coup comme il est souvent ressenti par nombre de pratiquants ? Ou bien cette idée de fort risque résiduel est-elle induite par le côté anxiogène des accidents (finalement assez rares) spectaculaires et provoqués par des évènements imprévisibles, qui provoque dans notre ressenti une importante majoration statistique du risque résiduel ?...Quand on lit les études, on a tendance à conclure que la dangerosité intrinsèque est plutôt faible, et qu'en plus elle tend à diminuer avec les années. Les accidents en pratique encadrée (école) sont désormais rarissimes et bien qu' « On ne dispose pas de statistiques sur les accidents observés quand la discipline est apparue au début des années 2000, mais tous les professionnels du secours en mer s'accordent à dire que la situation s'est très nettement améliorée en 15 ans ». Source :
https://www.francebleu.fr/infos/culture ... 1461780667Sur une autre point, amené par cri-cri, cette fameuse stat que tous les kiters ont entendu : « 80 % des accidents arrivent au décollage ou atterrissage de l'aile ».
Il semble que ça soit aussi une idée reçue... car infirmée par les chiffres du
document de la fédé que j'avais cité. On y lit (page 3) que :
Lieu de l’accident
54% des accidents ont eu lieu en plein eau
17% des accidents ont eu lieu sur la plage
29% non-renseignéÇa ne veut pas forcément dire que la plage et les phases d'atterrissage et décollage ne sont pas dangereuses, car on passe BEAUCOUP plus de temps en pleine eau à naviguer qu'à décoller/atterrir ou évoluer sur la plage, donc que 17% des accidents surviennent pendant ce court moment indique effectivement un danger relatif certain. Mais on ne retrouve pas les fameux « 80% d'accident décollage/atterrissage »...
Il faut, pour être sérieux, citer ici le bémol cité dans le document FFVL, même s'il ne doit que peu jouer sur la statistique précédente : « il est à noter d’une part, que les chiffres quantitatifs de la fédération semblent à priori sous-estimés car peu de pratiquants (notamment en club) semblent faire la déclaration en ligne à la FFVL. D’autre part, les déclarations étant essentiellement motivées par des questions d’assurance, la notion d’accident semble en soi en partie biaisée. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on peut constater un nombre important d’accidents déclarés entrainant aucuns dommages corporels. »
Pour finir, on pourra citer une définition assez intéressante d'un « sport à risque » issue de
cette étude antérieure à la pratique du kite. C'est la même étude que celle citée par cri-cri au sujet du très intéressant « indice de dangerosité » calculé à partir du pourcentage d'accidents ayant entraîné un séjour à l'hôpital, pondéré par la durée du séjour [Duval, 1993], d'où le parapente sortait grand « vainqueur »...
« Au final, si l'on adopte le point de vue des théoriciens des jeux, un « sport à risque » est une activité comportant, en elle-même, un processus stochastique issu de l'incertitude du milieu et/ou d'autrui doublée de la présence loisible d'un enjeu corporel. On y trouve le motocross, le parapente, le cyclisme et l'équitation » (ici, enjeu corporel = on
joue son intégrité corporelle)
Le kite rentre dans cette catégorie, évidemment, mais peut-être pas plus, voire moins, que beaucoup d'autres... Et peut-être moins aussi, que d'autres situations courantes de la vie, qui ne sont pas des sports mais que nous pratiquons quotidiennement, comme la conduite automobile, qui embarque un bon gros « processus stochastique »
À plus,
G.